Dans mon cours Monde contemporain (HST-130), je consacre un cours et un chapitre du manuel que j’ai écrit pour celui-ci au rôle (négatif et positif) des microbes dans l’histoire de l’humanité; sujet soudainement brûlant d’actualité! Je me sers, entre autres, de la fameuse carte de John Snow que beaucoup considèrent à la fois comme les débuts de l’épidémiologie et ceux des systèmes d’information géographique. Snow avait déduit qu’une épidémie de choléra à Londres en 1854 était due à une pompe à eau contaminée par des matières fécales. On accusait plutôt alors les «miasmes» de la Tamise. Pour démontrer sa théorie, Snow établit une carte du quartier touché, sur laquelle il ajouta les pompes et les cas répertoriés de morts dues au choléra.

La carte de Snow

Voici un extrait de mon manuel:

Sur la carte, chaque cas de choléra est identifié par une barre noire. Plus on s’éloigne de la pompe contaminée, plus le nombre de barres diminue. Sur la rue Marlborough Mews, on n’en trouve qu’une. C’est qu’une autre pompe, non contaminée, est accessible dans ce quartier. Snow anticipait ainsi la «théorie des germes» en identifiant la dispersion spatiale et la transmission de la maladie, même si au départ la cause originale était méconnue – par logique déductive, elle finit par être identifiée: la pompe au centre du cercle de dispersion. Une approche qui s’avéra fondamentale plus tard dans la bataille contre la malaria et le VIH. Snow a eu recours à certaines méthodes qui sont encore utilisées aujourd’hui dans les Systèmes d’information géographique (SIG), notamment le diagramme de Voronoï (un mathématicien russe), qui consiste à découper un plan en cellules à partir de points que l’on appelle «germes». Chaque cellule contient un seul germe et représente la «zone d’influence» de ce germe. C’est donc une façon de découper un espace métrique en fonction d’un ensemble discret de points. Descartes avait déjà utilisé une méthode semblable pour traduire des phénomènes astronomiques. Mais c’est sans doute John Snow avec sa carte du choléra qui a montré l’utilité de ces diagrammes. En géophysique et en météorologie, on parle davantage de polygones de Thiessen (un météorologiste américain).

Manuel Monde contemporain (HST-130)

Si Snow avait disposé de QGIS, il aurait pu démontrer son point de façon frappante en calculant puis en superposant sur sa carte une couche de polygones de Voronoï:

Pour ce faire, il faut simplement ajouter une couche matricielle (la carte de Snow), une couche vectorielle avec des points pour les pompes (qui seront nos germes), et encore une autre avec des points pour les morts.

On choisit ensuite l’outil approprié:

On sélectionne la couche «pompes» comme étant celle dont on veut mesurer les zones d’influence:

Finalement on réduit l’opacité de la couche résultante.

Polygones de Voronoï

J’ai conçu le manuel pour le cours Monde contemporain comme une initiation au tournant spatial en histoire. Chaque cours est l’objet d’une réflexion (à travers des exercices de type classe inversée) sur une carte et chaque carte est l’occasion de voir un concept important en géohistoire, comme ici le concept de polygones de Voronoï.