Je m’étais engagé à donner une recette de bière maison. Chose promise, chose due. La voici donc. La recette peut paraître complexe, mais une fois que vous maîtriserez les étapes, ça ira mieux. D’aucuns se demanderont pourquoi faire sa propre bière, compte tenu de l’offre généreuse en magasin. Il est vrai que nous sommes gâtés au Québec avec l’abondance de micro-brasseries. Mais à y regarder de plus près, ces dernières se spécialisent dans les produits les plus demandés. Or, plus des 3/4 des bières vendues sont des IPA ou des variations autour de ce style. Les micro-brasseurs cherchent à répondre aux attentes des Québécois et Québécoises, qui semblent privilégier des bières avec un IBU élevé. Personnellement, je ne suis pas un grand amateur de IPA et j’aime expérimenter. En fait, il faut voir le brassage maison de sa bière comme le fait de programmer: au lieu de se contenter de ce qui nous est offert par le commercial (soit des produits qui répondent aux besoins de la plupart des gens), on peut développer un produit qui répond à nos besoins particuliers. J’ai par exemple le projet de brasser cet été une stout au kveik (une levure scandinave). J’ai trouvé l’idée ici. Je n’ai jamais vu en magasin une telle bière, probablement parce que ce n’est pas une IPA et parce que c’est un produit difficilement classable par le consommateur, qui risquerait d’être déboussolé.

Donc, la première chose à faire est d’amener 25 litres d’eau à une température de 80 degrés Celsius (plus chaud, et vous extrayez des tanins qui nuiront à la levure). Ça demande un très gros chaudron. Si vous n’en avez pas, coupez la recette de moitié.

Quand votre eau est chaude, versez-la sur 16 litres d’orge malté, idéalement dans un tonneau qui garde sa chaleur (pensez Thermos). Laissez infuser 1 heure.

Pendant ce temps, chauffez encore 10 litres d’eau dans un autre chaudron. Videz votre tonneau dans le premier chaudron.

Versez le 10 litres d’eau chaude sur l’orge malté, récupérez-la et ajoutez-la au chaudron. Portez ce dernier à ébullition et faites bouillir 1 h. Après 30 min, ajoutez 25 g de houblon.

La sorte fait toute la différence. Certains sont floraux, d’autres rappellent les agrumes… Au terme de la cuisson, refroidir rapidement le moût avec un serpentin (qui fait circuler de l’eau froide en son sein).

L’avantage de brasser dehors en été, c’est que vous pouvez arroser le jardin avec l’eau qui sort du serpentin. C’est aussi moins salissant et votre compagne ou compagnon de vie vous en sera reconnaissante. Quand vous atteignez la température recommandée sur le sachet de votre levure (généralement dans les 20 degrés Celcius), versez le moût dans une grande cuve que vous avez au préalable désinfectée avec des métasulphites. Dans un sac (fait de coton à fromage) propre et désinfecté, ajoutez encore 25 g. de houblon et déposez-le dans la cuve. Versez dans la cuve la levure (ici aussi, la sorte fait toute la différence). Recouvrir d’un tissus pour que les mouches n’y plongent pas.

Laissez fermenter 5 jours. Une épaisse couche d’écume va se former.

Refermer la cuve avec un couvercle étanche. Laissez fermenter encore 5 jours. Il faut alors mettre en bouteille pour la deuxième fermentation.

Nettoyez et aseptisez des bouteilles avec une fontaine de métasulphites.

Laissez bien égouter pour éliminer les métasulphites mais ne rincez pas.

Ajoutez dans chaque bouteille un peu de sucre (1/4 de cuillérée à thé). Avec une pompe (un syphon n’est pas hygiénique), faites passez le moût de la cuve vers les bouteilles.

Fermez les bouteilles avec des bouchons aseptisés.

Il est important d’utiliser des bouteilles spécialement conçues pour ça, au risque que la bouteille explose et vous blesse gravement. Des gens ont déjà perdu un œil comme ça.

Ne jetez pas le dépôt au fond de la cuve: incorporez-le à votre boulange; ça fera lever votre pain, lui donnera du goût et apportera protéines à celui-ci.

Entreposez les bouteilles dans un endroit frais et attendre au moins 2 semaines. Certaines bières demandent plus de temps. J’ai déjà brassé une bière de champignon (vous n’en trouverez pas non plus en magasin), et après 2 semaines, c’était dégueulasse. Mais après 3 mois, c’était délicieux: une véritable promenade en forêt!

Donc, voilà la base. Ensuite à vous d’expérimenter. Il y a plein de sites avec des recettes partagées par des passionnés. Prost!

C’était mon dernier tutoriel pour ce projet. La suite sera un livre dédié à l’histoire de la fermentation. Je suis à l’écrire cet été.

Je brasserai une bière historique au Centre-Culturel de Granby en octobre.